27 Mar Le compte courant d’associé : comment obtenir le remboursement ?
Malgré l’incertitude de son régime juridique, qui relève principalement du droit commun des obligations, le compte courant d’associé est un instrument de financement original qui séduit par sa souplesse d’utilisation et par la pluralité de fonctions qu’il est susceptible de remplir.
Ne bénéficiant pas d’une définition légale, le compte courant d’associé est défini par une réponse Ministérielle de la façon suivante : « l’apport en compte courant consiste pour l’associé à consentir à la société des avances ou des prêts en versant directement des fonds ou en laissant à sa disposition des sommes qu’il renonce provisoirement à percevoir » (JO SENAT, 22 octobre 1980).
Autrement dit, un compte courant d’associé est un prêt ayant pour caractéristique d’être consenti à une société, non pas par un établissement de crédit, mais par les associés eux-mêmes.
Ces derniers cumulent ainsi la double qualité d’associé et de prêteur.
Se pose alors la question de savoir si les droits de l’associé-prêteur, notamment lors de la demande de remboursement de cet emprunt, se rattachent plus à l’une ou à l’autre de ces deux qualités ?
Les mêmes interrogations juridiques subsistent lorsque le bénéficiaire du compte courant d’associé décide de céder ses parts sociales.
En l’absence de statut juridique particulier, l’ouverture et le fonctionnement des comptes courants d’associés relèvent de la liberté contractuelle.
Dès lors, en l’absence de disposition conventionnelle contraire, la jurisprudence admet de manière constante que la qualification de prêt autorise l’associé ayant consenti une avance en compte courant à décider librement du moment où il entend en réclamer le remboursement (Cass. com 3 novembre 2004, n°01-17.491 ; cass. com. 14 novembre 2006, n°05-15.851, n°05-17.507 ; cass. com 8 décembre 2009, n°08-16.418 ; cass. com. 10 mai 2011, n°10-18.749).
Le remboursement se fait ainsi à première demande de l’associé titulaire du compte courant d’associé.
En cas de cession de parts sociales, le cédant perd la qualité d’associé, mais demeure titulaire de son compte courant dont il peut exiger le remboursement à tout moment, selon les limites statutaires ou conventionnelles.
Lorsqu’il demande le remboursement de ce prêt, l’associé n’a donc pas à être animé d’un affectio societatis particulier.
Autrement dit, les sommes créditées en compte courant ne constituent pas en principe un « accessoire nécessaire » attaché aux droits sociaux cédés.
Les qualifications d’associé et de prêteur sont ainsi gouvernées par un principe d’indépendance.
Un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 11 janvier 2017 (n°15-14.064) a récemment affirmé ce principe d’indépendance des qualités d’associé et de créancier en considérant que la seule cession des parts sociales n’a pas pour effet la cession du solde du compte courant d’associé.
En l’espèce, des associés avaient consenti des avances en compte courant à leur société. Après avoir céder la totalité des parts sociales qu’ils détenaient dans le capital de la société, ils l’ont assignée en remboursement de leurs comptes courants.
La société a fait valoir que la cession des parts sociales était indissociable de la cession des comptes courants.
La cour d’appel accueille cet argument et rejette la demande des associés estimant que les comptes courants avaient été pris en compte dans la détermination du prix de cession des parts de la société.
Par conséquent, ils devaient être transmis avec les parts lors de la cession de celles-ci.
Mais la Cour de cassation censure cette décision. Elle rappelle que l’acte initial n’avait pour objet que la cession des parts sociales et précise que la cession du compte courant d’associé nécessitait un accord de cession distinct.
Pour autant, il convient de rappeler que par définition même de cette notion, un tiers à la société ne peut avoir de compte courant d’associé, dès lors que l’associé cède ses actions ; il y a donc obligation de solder son compte courant. Mais cette opération n’est pas induite avec la cession des parts, elle doit être prévue distinctement ; c’est ce qu’il ressort de la dernière décision précitée.
Comment et sous quelles conditions obtenir le remboursement ?
La mise en place d’un compte courant d’associé ne requiert pas de formalisme spécifique, de sorte qu’en principe, le remboursement du compte courant peut être demandé à tout moment par le titulaire du compte.
Le remboursement constitue donc la règle même lorsque la société débitrice traverse une conjoncture financière difficile, la seule limite susceptible d’être posée à la demande de remboursement étant l’abus de droit (CA PARIS, 5 mai 1995 : JurisData 1995-022681 ; CA TOULOUSE, 16 janvier 2002, n°2000-04329).
En revanche, comme tout principe, celui du droit au remboursement par la société à l’associé-prêteur est assorti d’exceptions tant légales que conventionnelles.
Les limites légales sont de plusieurs ordres :
A ce titre, la cour d’appel de PARIS (24 février 2015, n°13/20394) a admis la possibilité pour le juge d’octroyer à la société un délai de grâce pour l’acquittement de sa dette et ce, conformément à l’article 1343-5 du Code civil issue de l’ordonnance du 10 février 2016.
La créance de remboursement peut également s’éteindre par prescription.
Depuis les modifications opérées par la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription civile, le délai est uniformément de cinq ans que la société soit commerciale (C. com. art. L.110-4) ou civile (C.civ. art.2224).
En outre, des limites, de natures diverses, peuvent être stipulées dans la convention elle-même, par les statuts ou encore par une décision de l’assemblée des associés.
L’associé titulaire d’un compte courant d’associé peut ainsi renoncer par une manifestation de volonté ferme et non équivoque à son droit au remboursement.
Une convention peut permettre de fixer les modalités et conditions du remboursement : ainsi une somme peut être bloquée pour une durée fixée contractuellement et le déblocage peut être prévu sous des conditions précises à définir et selon un échéancier librement fixé.
Toutefois, afin d’éviter toute déconvenue future, il est donc particulièrement conseillé de définir conventionnellement les modalités de son remboursement.
Alexandra SIX
Avocat associé
cabinet ELOQUENCE