Effets de la non convocation d’un usufruitier de parts sociales à une Assemblée générale d’une SCI ?

Par un arrêt en date du 15 septembre 2016 aux allures d’arrêt de principe (pourvoi n°15-15172), la 3ème chambre civile de la Cour de cassation semble refuser de conférer la qualité d’associé à l’usufruitier de parts sociales dès lors qu’il s’agit d’une décision colective autre que celle concernant l’affectation des bénéfices.

En l’espèce, l’assemblée générale d’une société civile immobilière avait décidé de vendre l’immeuble constituant le seul actif de la SCI à l’un des associés.
Cependant, l’usufruitier des parts n’a pas été convoqué à cette assemblée générale.
Le nu-propriétaire des parts sociales a agi en annulation de l’assemblée pour défaut de convocation en soutenant que si la qualité d’usufruitier empêche de prendre part au vote relatif à la vente de l’immeuble, elle ne saurait exclure le droit qu’a l’usufruitier de participer aux décisions collectives.
Or, la Cour de cassation n’a pas été réceptive à son argumentaire et a affirmé de manière non équivoque qu’une assemblée générale ayant pour objet des décisions collectives autres que celles qui concernent l’affectation des bénéfices, ne saurait être annulée au motif que l’usufruitier des parts sociales n’a pas été convoqué pour y participer.
Si la Haute Juridiction n’affirme pas expressément que l’usufruitier ne dispose pas de la qualité d’associé, la solution qu’elle adopte semble néanmoins emporter directement cette conséquence.
Si cette position pourrait sembler, de prime abord, contraire aux dispositions d’ordre public de l’article 1844 alinéa 1er du Code civil qui prévoit que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives, elle pourrait néanmoins se justifier par le fait que les droits de l’associé usufruitier sont démembrés.

S’il exerce en effet certaines prérogatives inhérentes à la qualité d’associé (notamment l’affectio societatis et la participation aux bénéfices et aux pertes), il est cependant étranger aux apports qui constituent pourtant des éléments indispensables à la qualité d’associé.

La portée de cet arrêt pourrait néanmoins être relativisée dans la mesure où celui-ci a été rendu par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation et concerne une société civile immobilière, de sorte que la question de transposition de cette jurisprudence aux sociétés commerciales peut se poser.

La position de la Chambre commerciale est donc attendue sur ce point.

Par ailleurs, il échet de rappeler que le mode de répartition du droit de vote entre nu-propriétaire et l’usufruitier peuvent faire l’objet d’un aménagement conventionnel dans la mesure où les statuts de la société peuvent prévoir une répartition différente.

Il est donc vivement conseillé à l’associé usufruitier de veiller à ce que les statuts lui octroient expressément le droit de participer à toutes les décisions collectives et ce, afin d’éviter un risque d’exclusion quant à la prise de décisions souvent importantes pour la société.

 

Alexandra SIX 

Avocat du cabinet ELOQUENCE