Droit des successions, Partage judiciaire : rien ne sert de courir, encore faut-il partir correctement !

Dans une décision récente rendue le 21 septembre 2016, la Cour de Cassation a apporté quelques précisions sur la régularité d’une demande de partage judiciaire d’une succession, et la manière avec laquelle une action mal engagée est susceptible d’être corrigée.

Il arrive que le partage d’une succession ne puisse être réalisé à l’amiable, c’est-à-dire avec l’accord de tous les héritiers parce que l’un d’eux refuse de consentir au partage amiable, ou il s’élève des contestations sur la manière d’y procéder ou de le terminer ou encore lorsque le partage amiable n’a pas été autorisé ni approuvé.

Parce que nul ne peut être contraint à demeurer en indivision (à moins qu’il n’ait été sursis par jugement ou autrement) l’un ou plusieurs des héritiers peuvent demander au Tribunal de Grande Instance du lieu d’ouverture de la succession, de désigner un Notaire à l’effet de procéder au partage judiciaire de la succession.

L’acte de saisine du Tribunal doit alors contenir des mentions obligatoires, sous peine de nullité, à savoir :

– Un descriptif sommaire du patrimoine à partager
– les intentions du demandeur quant à la répartition des biens
– les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.

C’est sur cette dernière exigence que la Cour de Cassation s’est prononcée dans l’arrêt du 21 septembre 2016.

Dans cette affaire, Monsieur est décédé et laisse pour lui succéder un enfant d’un premier lit ainsi qu’une épouse et leurs deux enfants communs.

Ces derniers décident d’assigner l’enfant du premier lit en vue de demander l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession et le partage judiciaire.

Sans même vérifier si leur demande était justifiée sur le fond, les premiers Juges ont déclaré leur action irrecevable au motif que l’assignation ne mentionnait pas les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.

Les demandeurs ont contesté cette décision aux motifs que cette irrecevabilité pouvait être régularisée en cours de procédure et jusqu’à ce que le Juge statue (telle une fin de non-recevoir).

Ils reprochaient aux Juges de ne pas avoir tenu compte du fait que postérieurement à l’acte de saisine, ils avaient entrepris des démarches à l’égard de la partie adverse pour lui demander de prendre position sur un possible partage amiable. Ils estimaient donc que les diligences entreprises en vue de parvenir à un tel partage avaient bien été entreprises et justifiées avant que les Juges ne rendent leur décision.

La Cour de Cassation a rejeté leur analyse en précisant que la régularisation d’une assignation mal rédigée ne peut être justifiée sur ce point que par la preuve de diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable avant la délivrance de cet acte.

En justifiant de telles diligences accomplies postérieurement à l’assignation, les demandeurs ne régularisent pas l’irrecevabilité de leur action.

Il est à noter que les demandeurs ont préféré attendre une décision de la Cour de Cassation intervenue 5 ans après leur assignation, plutôt que de ré-assigner l’autre partie en mentionnant les diligences amiables qu’ils avaient entreprises ; ce qui aurait pu leur faire gagner du temps.

En effet, cette nouvelle saisine aurait été possible dans la mesure où le droit de demander le partage est imprescriptible (c’est-à-dire qu’il n’est pas enfermé dans un délai impératif). La difficulté résidait peut-être dans d’autres demandes judiciaires quant à elles soumises à une prescription de 5 ans par exemple (telle qu’une action en réduction, en recel successoral etc.)

Toujours est-il que la Cour de Cassation rappelle la nécessité de rédiger dès le début d’une procédure, un acte de saisine conforme aux dispositions légales applicables en la matière.

Si une certaine souplesse est tolérée en cas d’irrégularité (des diligences accomplies avant l’assignation peuvent être démontrées postérieurement à cet acte), il ne faut pas que cette régularisation vide les textes applicables de leur substance (des diligences accomplies après l’assignation ne peuvent pas régulariser la situation).

Rapporter la preuve de diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable n’est pas compliqué puisqu’elles ne sont pas soumises à un formalisme impérieux : de simples échanges de courriers (en ce compris des emails) pourraient permettre de constituer la preuve de telles diligences…encore faut-il avoir pris la peine de les rédiger rapidement et correctement !

Magalie BORGNE
Avocat Associée, doit des affaires et droit des successions