Cession d’entreprises et Garantie de passif : le défaut d’information du cédant sanctionné au titre de la perte de chance

Il ne suffit pas d’une bonne rédaction des clauses de la convention, encore convient d’être vigilant sur les conditions de mise en jeu de celle-ci et de ses effets. La gestion des litiges est très souvent source de conflits post cession.

Dans le cadre d’une cession d’entreprise, le cédant avait consenti à l’acquéreur des actions une convention de garantie de passif, laquelle comportait une clause spécifique relative à la gestion des litiges.

Le cédant liait son engagement « au fait qu’il lui aura été proposé d’être seul en charge, à ses frais, de la conduite de toute décision, négociation, instance ou procédure relative aux réclamations de tiers et aux litiges en cours ».
L’acquéreur a mis en œuvre la garantie à la suite d’un redressement fiscal d’une filiale de la société, le cédant a refusé de payer car il n’avait pas été mis en mesure de gérer lui-même l’affaire.

La vérification de la comptabilité de la filiale avait débuté un 6 septembre ; le cédant n’en avait été informé qu’à la fin janvier de l’année suivante et n’avait eu que jusqu’au 1er février pour présenter d’éventuelles observations ; il n’avait été informé du maintien du redressement à la suite des observations de la filiale, présentées le 30 janvier, que début avril, sans être avisé de la possibilité de soumettre ce redressement à l’examen de la commission départementale des impôts directs ; la société vérifiée avait réglé les montants réclamés par l’administration fiscale avant que les délais de recours contentieux aient expiré.

Le cédant refusait la mise en jeu de la garantie invoquant le fait que, contrairement aux termes de la garantie de passif, il n’avait été en mesure de suivre le contrôle fiscal. Il considérait que  la somme réclamée par le cessionnaire au titre du redressement aurait pu être minorée s’il avait en mesure de mener à bien cette action.

Il résultait de ces constatations que le cédant, privé de la faculté de prendre en charge la gestion de ce litige, en violation des dispositions de l’acte de cession, avait perdu pratiquement toute chance de faire aboutir favorablement une réclamation contentieuse.

Il avait ainsi perdu une chance raisonnable d’éviter de subir les conséquences du préjudice invoqué par l’acquéreur auquel un coefficient proportionnel à cette perte de chance a été affecté (en l’espèce, la perte de chance a été évaluée à 95 % du préjudice invoqué par l’acheteur et le cédant a été condamné à hauteur de moins de la moitié du montant du redressement fiscal).

Les clauses de garantie de passif imposent souvent à l’acquéreur d’informer le cédant de tout événement susceptible d’entraîner la mise en jeu de la garantie et certaines, comme en l’espèce, lui permettent de conduire les procédures dirigées contre la société. La sanction de la violation de ces obligations d’information se pose quand l’acte ne la prévoit pas expressément.

Le juge du fond doit alors apprécier souverainement si la déchéance est encourue par l’acquéreur du seul fait de l’inexécution de son obligation (Cass. com. 9-6-2009 n° 08-17.843 : RJDA 8-9/09 n° 752).
Dans la présente affaire, la cour d’appel a accordé plus de souplesse en réduisant le montant de la garantie la déchéance en raison de la perte de chance subie par le cédant. En l’espèce, il a été condamné à garantir la moitié du redressement subi par le cessionnaire.

La seule perte de chance interdit toutefois d’allouer une indemnité égale au bénéfice que le demandeur aurait retiré de la réalisation de l’événement escompté (notamment Cass. 1e civ. 26-9-2012 n° 11-19.464 ).

La rédaction des conventions de garantie et les enjeux sont importants. En l’espèce, il aurait pu être envisagé dans la convention d’indiquer la sanction du non-respect de cette obligation.

Alexandra SIX
Avocat Associée