Obligation d’information des salariés en cas de cession d’une PME : une évolution en guise de révolution ?

Le lien de subordination qui caractérise la relation de travail permet de considérer que les chefs d’entreprise au sein des PME sont « maîtres en leur domaine », s’agissant notamment des conditions de cession de leur propriété et outil de travail.

Les récentes évolutions législatives atténuent toutefois le caractère intangible d’un tel propos, dès lors que ces chefs d’entreprise ont désormais l’obligation d’informer leurs salariés en matière de reprise d’entreprise.

Ainsi, depuis le début de l’année 2016, dans les entreprises de moins de 250 salariés, l’employeur est débiteur d’une information générale à l’égard des salariés, relative aux perspectives de reprise d’une société par ces derniers.

Cette information, orale ou écrite, doit être renouvelée tous les 3 ans, et doit permettre aux salariés d’appréhender les conditions juridiques de la reprise d’une entreprise, ses avantages, ses difficultés, les conditions d’une cession ou d’un changement capitalistique substantiel.

Il s’agit ici assurément d’ériger l’employeur dispensateur d’informations dont il ne dispose pas toujours…raison, sans doute, pour laquelle, il est considéré avoir satisfaisait à son obligation par l’indication d’un ou plusieurs sites internet comportant ces éléments d’information, et à tout le moins certains d’entre eux.
Au-delà de cette obligation générale, le Code de commerce impose à l’employeur une obligation d’information des salariés des PME en cas de vente de leur entreprise.

L’objectif est de les autoriser à présenter une offre de reprise, que ce soit dans le cadre d’une cession de société à proprement parler (vente de plus de 50 % des parts sociales pour les SARL et vente des actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital social pour les sociétés par actions), mais également dans l’hypothèse d’une cession de fonds de commerce.

Sont ici concernées les entreprises de moins de 50 salariés, et celles qui, dépassant ce seuil, occupent moins de 250  personnes, et ont un chiffre d’affaires annuel ou égal à 50 millions d’euros, ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros.

Afin de satisfaire à son obligation d’information, le représentant légal et/ou l’exploitant du fonds de commerce doivent porter à la connaissance de leurs salariés l’information selon laquelle une vente est envisagée, mais également leur indiquer la possibilité de présenter une offre de rachat.

Cette information peut être effectuée oralement, ou par écrit. Afin d’assurer l’efficience de celle-ci, elle doit être donnée :
– Dans les entreprises sans représentant du personnel : au moins deux mois avant la vente
L’article 1er 2° du décret du 28 octobre 2014 codifié dans le Code de commerce sous l’article D 23-10-1 ) définissait la date de cession mentionnée par l’article L 23-10-1 comme « la date à laquelle s’opère le transfert de propriété ».

Par un arrêt du 8 juillet 2016 (CE 1e -6e ch. 8-7-2016 no 386792 : JO du 21-7 texte no 54) le Conseil d’Etat a annulé la disposition du décret de 2014 précisant la date à prendre en compte pour le calcul du délai dans lequel un associé voulant vendre sa participation doit en informer les salariés de la société.
Désormais, la date à prendre en compte pour le calcul du délai est donc celle de la conclusion de l’acte de cession et non pas la date du transfert de propriété.

– Dans les entreprises avec représentants du personnel : au plus tard concomitamment à l’information et à la consultation du Comité d’entreprise sur ce sujet.

Si le projet de cession initial ne se concrétise pas, le cédant n’est pas tenu à une nouvelle obligation d’information de ses salariés, et ce pendant le délai de 2 ans : l’information est valable pendant ce délai (dans les entreprises avec institutions représentatives, il est majoré du délai ayant couru entre la date de saisine du Comité d’entreprise et la date à laquelle il rend son avis).

Si l’obligation des chefs d’entreprises semble conséquente, ils sont néanmoins déliés de toute obligation une fois l’information transmise valablement : ils n’ont pas même l’obligation de négocier avec les salariés, dont l’offre ne présente aucune priorité !

Quant à la sanction en cas de non-respect de l’obligation informative : la nullité de cession envisagée à l’origine, a très vite été remplacée par une amende civile dont le montant ne peut excéder 2 % du montant de la vente, dont le montant sera apprécié par le juge.

La révolution que semblait induire l’obligation d’information des salariés lors des ventes d’entreprise trouve donc ici toute sa limite, permettant au chef d’entreprise de recouvrer toute liberté contractuelle en matière de cession. Seule l’hypothèse de l’absence de repreneur permettra à ce dispositif de prendre toute sa dimension ; puisqu’alors, les salariés auront toutes chances de pouvoir s’engager…

Julie PENET, Avocat en droit social du Cabinet ADJ
Alexandra SIX, Avocat en droit des affaires du Cabinet ELOQUENCE